GRÈCE : LA SUITE EN QUESTIONS, par François Leclerc

Billet invité.

La partie engagée avec la Grèce est loin d’être finie. Très rares sont ceux qui parient sur la réussite du processus engagé par le sommet européen, tant les obstacles sont nombreux. De tous côtés sont apparues des fissures qui ne demandent qu’à s’élargir, des obstacles qui devront être franchis.

Alexis Tsipras va-t-il parvenir à remplir les conditions préalables à l’ouverture des négociations sur le 3ème plan de sauvetage de la Grèce ? Les regards sont braqués sur le Parlement grec et sur l’importance, qui grandit, de la dissidence au sein du groupe de Syriza qui lui a déjà fait perdre sa majorité parlementaire. L’enjeu est désormais de limiter de nouvelles défections, ce qui l’obligerait à convoquer les électeurs. Parmi les schémas évoqués, le quotidien To Vima – proche de Syriza – fait état de pressions des créanciers pour qu’une réforme de la loi électorale puisse supprimer la prime aux 50 sièges accordée au premier parti, avec l’intention de favoriser un gouvernement de coalition assurant une assise politique à la réalisation du 3ème plan.

Une autre question préalable doit être réglée, qui a été posée par le FMI et la BCE : un allégement de la dette va-t-il ou non faire d’entrée partie des négociations du 3ème plan, si celles-ci sont entamées ? Pour l’instant Angela Merkel maintient l’échéance de la première évaluation de la mise en application du 3ème plan pour en discuter. Se profile derrière comme enjeu la participation du FMI à celui-ci, et sa participation financière à laquelle il faudra sinon suppléer, ce qui ne sera pas une mince affaire. Conscient des difficultés à boucler un budget qui dépassera 80 milliards d’euros, le patron du Mécanisme européen de stabilité (MES) a déjà envisagé l’hypothèse d’un retour de la Grèce sur le marché avant la fin du plan de trois ans, c’est dire que les comptes sont tendus et les solutions aléatoires. Il en est de même du montant prévisionnel des nationalisations et des excédents budgétaires grecs.

Un accord portant sur les conditionnalités du 3ème plan est-il possible ? Wolfgang Schäuble ne fait pas mystère de ses intentions de faire capoter les négociations en serrant encore la vis, afin d’obtenir que la Grèce sorte de la zone euro, son objectif avoué. Angela Merkel sera-t-elle en mesure de s’y opposer ? Et par quelle équipe gouvernementale grecque ce plan pourra-t-il être entériné puis appliqué ?

Si ces trois obstacles sont franchis, il en restera un qui ne pourra l’être : il est déjà acquis que quelles que soient ses conditionnalités, ce 3ème plan ne pourra pas fonctionner en raison du cadre tracé par le sommet européen dans lequel il devra s’inscrire : il est exigé d’une économie exsangue et d’une société à bout de souffle des performances inatteignables. La seule question sera alors de savoir combien de temps sera nécessaire pour le reconnaître, puis au profit de quoi ?

Cette dernière conclusion donne-t-elle raison à Wolfgang Schäuble, qui considère que la sortie de l’euro de la Grèce est inévitable, une fois remarqué qu’il aura tout fait pour charger la barque et avoir ainsi raison ? La question doit être en premier lieu posée à ceux qui s’y sont opposés, pour ne pas en subir les conséquences en tant que créancier, mais qui n’ont pas su créer les conditions d’un maintien viable de la Grèce dans la zone euro. Car pour quelle raison les Grecs devraient-ils prendre l’initiative, au lieu de laisser mûrir la crise ?

On sait désormais que ce qui est en jeu dépasse le sort de la Grèce et concerne celui de l’Europe toute entière. Un débat qui couvait est engagé, mais comme souvent s’agissant de la construction européenne, il l’est sous un angle institutionnel restreint. Or la question n’est pas là. Selon quels principes et avec quels objectifs cette Europe en bout de course doit-elle être refondée ?

C’est ce fil rouge qu’il faut tirer, en s’y mettant tous, pour ne pas sombrer dans les ténébreuses visions ordo- ou socio-libérales, peu importe le préfixe, ou bien dans un souverainisme rétrograde. Ce sont les Européens qui feront l’Europe, et certainement pas ces gouvernements qui viennent de rencontrer un échec manifeste. Et ceux-ci témoigneront de leurs intentions en accueillant par leurs initiatives et pour commencer ceux qui fuient la guerre qui fait rage dans le bassin méditerranéen.